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Niko powa!!
10 février 2008

Les Mémoires du Diable

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"Vastes sont les pierres endormies sous leur couvre-lit de mousse humide, et puissants étaient les murs dont elles sont tombées. Leurs bâtisseurs les avaient érigées pour toujours, et en vérite ils font encore noble usage, car le crapaud gris a élu domicile juste en dessous.

Tout au fond de la vallée coule la rivière Thom, dont les eaux limoneuses sont chargées d'herbes. Elle jaillit de sources ignorées, et traverse des grottes souterraines, aussi le Démon de la Vallée ignore t-il pourquoi ses flots sont rouges, et où ils vont.

Le Génie qui habite dans les rayons de la lune lui parla, disant: "Je suis vieux, et j'oublie tant de choses. Dis-moi le nom de ceux qui bâtirent ces ouvrages de pierre, parle-moi de leur apparence et de leurs agissements." Et le Démon répondit: "Je suis le Souvenir, et la science du passé m'est familière, mais moi aussi je me fais vieux. Ces êtres étaient comme les eaux de la rivière Thom: incompréhensibles. De leurs actes, je ne me rappelle rien: ils n'avaient pas grand sens. De leur apparence, je me souviens vaguement: elle était semblable à celle des singes dans les arbres. Mais leur nom, je me le rappelle parfaitement: il rimait avec celui de cette rivière. Ces êtres d'autrefois s'appelaient les hommes."

Et le Génie s'envola vers les minces cornes de la lune, tandis que le Démon observait avec attention un petit singe perché sur un arbre qui poussait au milieu d'une cour effondrée.

Souvenir.

Cependant l'orage, après s'être annoncé de loin, approche et mugit d'une manière épouvantable. Le ciel paraissait un brasier agité par les vents en mille sens contraires; les coups de tonnerre, répétés par les antres des montagnes voisines, retentisaient horriblement autour de nous. Ils ne se succédaient pas, ils semblaient s'entre-heurter. Le vent, la grêle, la pluie, se disputaient entre eux à qui ajouteraient le plus à l'horreur de l'effroyable tableau dont nos sens étaient affligés. Il part un éclair qui semble embraser notre asile; un coup effroyable suit. Biondetta, les yeux fermés, les doigts dans les oreilles, vient se précipiter dans mes bras: "Ah! Alvare, je suis perdue!..."

Je veux la rassurer. "Mettez la main sur mon coeur disait-elle." Elle me la place sur sa gorge, et quoiqu'elle se trompât en me faisant appuyer sur un endroit où le battement ne devait pas être le plus sensible, je démêlai que le mouvement était extraordinaire. Elle m'embrassait de toutes ses forces et redoublaient à chaque éclair. Enfin, un coup plus effrayant que tous ceux qui s'étaient fait entendre part: Biondetta s'y dérobe de manière qu'en cas d'accident il ne put la frapper avant de m'avoir atteint moi-même le premier.

Le Diable Amoureux.

GALAAD. Il filait comme une flèche vers son but. Il ne savait pas où se trouvait le Château Aventureux, mais devinait à chaque instant la direction pour s'en rapprocher. De même qu'il avait su, à chaque croisée de chemins, choisir celui qui le conduirait vers son père.

Il ne savait pas quelle serait la durée de sa course, des jours ou des mois, seulement qu'il ne devait se laisser arrêter par rien.

Le Diable comprit que celui-là ne se laisserait pas engluer dans l'exquise douceur féminine. Il ne pouvait le combattre que par l'abominable. Il lança d'abord contre lui la horde de ses chiens jaunes, ceux qui avaient transformé en désert le Pays Gasté en dévorant tout ce qui y vivait, hommes, bêtes, plantes et arbres. Galaad traversa la plaine grouillante en ramant à gauche, à droite, à grands coups d'épée. Son cheval mordait comme un lion. Ils ne ralentirent pas. Ils laissaient derrière eux une route de sang que couvraient aussitôt les déchireurs de cadavres.

Le Diable ramasa sept tempêtes sur les océans, les assembla et les pressa entre ses mains et en fit un dragon gigantesque qui se rua vers Galaad en brisant tout sur son passage.

Galaad fonça sur lui et se dressa sur ses étriers en hurlant le nom secret de son cheval. Celui-ci lui répondit, criant comme le vent, et d'un seul élan sauta par-dessus la monstrueuse bête, à qui, au passage, l'épée de Galaad creva les yeux. Les tempêtes, depuis, tournent en rond sur le monde, croyant aller tout droit.

Le Diable fit surgir brusquement, devant Galaad au grand galop, la montagne de marbre noir au sommet de laquelle poussent les tournesols de la nuit. Galaad se taille un chemin dans le marbre, mit la montagne en pièces et délivra les huit cents douze demoiselles qui la portaient sur leur dos.

Alors qu'il traversait le royaume d'Auvergne, le Diable en décapita les montagnes et fit cracher sur lui, par les plaies ouvertes, les feux de son enfer.

Du plat de son épee, Galaad ferma les blessures puis, un peu las, s'étendit sous un châtaignier pour prendre un instant de repos. Le Diable lui dépêcha les sept vipères de l'arc-en-ciel, une de chaque couleur, les plus mordeuses, les plus venimeuses des tueuses rampantes. Elles s'endormirent dans ses bras."

L'Enchanteur.

20010274

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Commentaires
N
Content que ces extraits te plaisent! :)
C
De bien belles histoires. Merci Niko!
Niko powa!!
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